mardi 12 mars 2013

Yennayer à Tripoli Par Arezki Metref






Alors là, je suis tombé de haut, vraiment de haut ! La célébration de Yennayer s’est déroulée, cette année à Tripoli, non pas dans la clandestinité la plus totale comme du temps de Kadhafi, mais dans un stade, carrément dans un stade ! Dans aucun pays ça ne se passe comme ça. Pas dans une cave, ni une salle dérobée, ni un terrain vague à l'abri des regards. Non, un stade ! Un vrai ! Pourrait-on imaginer, par exemple, un Yennayer grandeur nature au stade du 5-Juillet à Alger ? Evidemment non, je crains ! Méga-concert, feux d’artifice, houle de drapeaux ! Et parmi les artistes amazighs de plusieurs pays, notre Takfarinas national ! J'en écarquillais les yeux. Ou plutôt j'en ouvrais grand les oreilles car c'est Ramdane Achab qui racontait son voyage. Il rentrait de Libye où il avait été invité dans le cadre d'un forum organisé entre autres par le Congrès mondial amazigh (CMA), désormais présidé par le charismatique Libyen Fethi N'Khalifa, consacré aux droits constitutionnels de la communauté amazighe de Libye. Pied-de-nez à l'histoire, la conférence s'est tenue au Palais du Congrès général national (CGN) à Tripoli, là où précisément Kadhafi s'était réfugié lors des bombardements de l’OTAN, le site étant sécurisé par la présence de journalistes étrangers. Le palais présentait aussi, semble-t-il, l'avantage d'abriter un passage souterrain dissimulé.
Militant berbère de longue date, linguiste, Ramdane Achab avait dans ses bagages des exemplaires de quelques livres dont il est l'éditeur. Le Dictionnaire de berbère libyen (Ghadamès) de Jacques Lanfry dont il a offert un exemplaire au président de l'Assemblée nationale libyenne. Le «Manuel didactico-pédagogique d'initiation à la langue berbère de Kabylie d'Amirouche Chelli, et Langue berbère : initiation à la notation usuelle en caractère latin dont il est lui-même l'auteur. Tripoli ! Au passage, il convient de rappeler que dans le passé, si on appelait tous les Berbères, des Libyens – d'où l'origine de l'adjectif libyque — c'est parce que la tribu amazighe Lebbou a donné ce générique. L'arasement arabe, puis le long et dur règne de Kadhafi et son zèle dans le déni identitaire ont tenté de gommer cette histoire. En vain, si on en juge par l’éclatant succès de cette manifestation. Le forum auquel étaient conviés Ramdane Achab ainsi que de nombreux Amazighs originaires du monde entier, représentants du mouvement associatif, experts, militants, universitaires, artistes, mais aussi des représentants des missions diplomatiques en Libye (ambassadeurs, consuls), et même un représentant de l’ONU, coïncidait avec la célébration de Yennayer. «Ambiance survoltée», raconte Ramdane Achab, «Je n'ai jamais vu ça ! Ça ressemblait à la Kabylie à la puissance 1 000 dans ses plus beaux jours.» Et il continue : «Drapeaux amazighs partout y compris sur les chars, dans les mains des militaires tous amazighs. » Toute la communication autour du forum, affiches, badges, tee-shirts des hôtesses étaient imprimés en trois langues : tamazight en caractères tifinaghs, arabe et anglais. Les officiels libyens, et il y en avait un paquet, se sont engagés à accorder à tamazight le statut de langue officielle. Le président de l'Assemblée nationale, fondateur du Parti du Front national, en charge de la fonction de chef de l’Etat, Mohammed Youssef el-Megaryef, a commencé son allocution par «Azul fellawen, tanemmirt». Il ne prend pas de détour : il appuie la revendication de tamazight reconnue par la Constitution comme langue officielle.
Les autres officiels n'ont pas été en reste. Il y avait là le ministre des Ressources hydrauliques Alhadi Suleiman Hinshir, la vice-ministre de la Culture Awatef Atashani, le ministre de la Justice Salah Bashir Margani, ce dernier représentant le Premier ministre Ali Zeidan. Mais la grande surprise ce fut l'hymne national exécuté d'abord en tamazight, puis en arabe à l'ouverture de la conférence. Ramdane Achab raconte un moment fort : «Vers la fin de la conférence, une vingtaine de représentants politiques (locaux, nationaux, parlementaires) des 11 régions amazighes de Libye se sont présentés pour lire le communiqué final du forum. Une femme, Sanaa Mansouri, l'a fait en tamazight, et un homme ensuite, Tarik El Atoushi, en arabe. Le texte pose cinq conditions concernant tamazight dans la nouvelle Constitution. Ils disent que si ces conditions ne sont pas satisfaites, non seulement ils ne reconnaîtront pas la Constitution, mais ils ne reconnaîtront pas l'Etat lui-même. La lecture de ce communiqué s'est faite en présence des officiels, président de l'Assemblée nationale, etc.» Parmi les conditions posées, une, certainement inattendue : la reconnaissance par la Constitution du rite ibâdite. On voit bien qu'il y a du changement. Et quel changement ! Du chaos libyen, quelque chose est en train de naître. Ou renaître. Le pays plombé dans sa pulsation historique par le bulldozer arabiste de Kadhafi renaît de ses cendres, et promet même d'être l'épicentre d'une renaissance de la reconnaissance berbère. Toutes les personnes qui ont assisté à ce Yennayer à Tripoli en sont revenues persuadées.
Par Arezki Metref

Débat Yannayer : une réponse de Madame Zohra Mahi


"Bonjour Monsieur Metref,
En lisant sur le Soir d'Algérie votre article relatant la fête de Yannayer (que j'ai toujours appelée Naïr depuis ma tendre enfance) à Tripoli, j'ai été quelque peu interloquée. A vous entendre, ce que j'appelle, et que toute ma région de l'Oranie appelait donc NAÏR, était célébré jusque-là dans les caves, en tout cas dans la clandestinité. Vous ne trouvez pas que vous y allez un peu fort ? Vous ne trouvez pas que vous dénaturez la réalité qui est beaucoup plus complexe et ce, sans prendre la peine de vérifier si une pareille affirmation n'est pas contredite par ce qui se passait vraiment dans les autres régions que la sacro-sainte Kabylie ?
Puisque vous n'avez pas pris cette précaution avant de vous fendre de votre brûlot de propagande éhontée, j'ai le regret de vous contredire : cet évènement qui n'a pas la dimension mystique que vous voulez lui coller, était célébré dans les familles avec toute la pompe requise mais sans la coloration politique et idéologique que vous et vos semblables voudrez lui donner. Votre volonté de vous accaparer d'évènements qui appartiennent à tous pour en faire des mots d'ordre dont le but, de plus en plus évident, est de cliver, diviser, disséminer le racisme et la haine, trouvera en face une autre volonté : celle des Arabo-berbères et ils sont nombreux pour vous dire : notre personnalité double et riche vaut bien la vôtre étriquée, égoïste et persuadée de sa supériorité transcendantale. Tant que vous œuvrerez pour la division, vous vous condamnez à rester une minorité sans pouvoir malgré vos rassemblements «de matchs de foot», manifestation de votre jalousie endémique. Une arabo-berbère et fière de l'être, descendante d'un Arabe et d'une arabo-zénète, mère de trois enfants judéo- arabo-zénètes par leur père.

Zohra Mahi, avocate et écrivaine

Débat Yannayer : l'avis de Hend Sadi

La guerre de deux mille ans n’est pas finie
"L’Algérie n’est pas berbère mais amazighe car elle est arabe », cette formule tourmentée de Mahmoudi renvoie forcément à celle, similaire, de l’ancien premier ministre Belaïd Abdeslam qui s’était dit en son temps «Arabe parce que Kabyle». Cette violence faite à la sémantique révèle, on ne peut mieux, le malaise identitaire qui persiste en Algérie malgré 50 ans d’une arabisation forcenée dont on n’a pas fini d’évaluer les dégâts. Le trauma identitaire se décline diversement selon le profil de chacun, mais des tendances lourdes, héritage des controverses qui ont secoué le mouvement national, dominent et structurent le discours autour de cette question. Au vu du rapport à l’amazighité, perçue par beaucoup comme une pathologie, un «mal» écrivait Le Jeune Musulman d’Ahmed Taleb, on pourrait opérer une classification des positions et aboutir à une typologie. 
Je m’arrêterai ici sur un texte qui me paraît refléter un courant représentatif : la lettre de Zohra Mahi, « avocate et écrivain » qui a réagi à la chronique d’Arezki Métref du 3 février 2012 consacrée à la célébration de Yennayer à Tripoli. C’est à elle que je m’adresserai à présent : 
Lalla Mahi, azul,
L’intolérance dont vous faites montre, Madame, à l’égard de l’amazighité est si ancrée dans votre mentalité que vous l’extériorisez avec un naturel confondant. Parce qu’il est porté par les institutions et qu’il est répandu dans l’opinion, votre sectarisme vous semble politiquement légitime. Sa remise en cause est de l’ordre du scandale à vos yeux. 
Commençons par le procédé que vous utilisez dans votre argumentation et qui révèle la contradiction de votre position. Sur l’identité nationale, vous adoptez le point de vue arabo-islamiste, officiel et hégémonique ; mais, pour le défendre, vous prenez une posture victimaire et vous évitez ainsi d’avoir à assumer l’imposture qui le fonde. Conséquence logique de votre démarche, vous attribuez à la chronique de Métref la vindicte de vos propos. 
Qu’Arezki Métref écrive «Yennayer» pour ce que vous, vous appelez «Nnaïr» et fêtez depuis votre «plus tendre enfance», suffit à vous faire sortir de vos gonds. Qu’il rapporte la célébration de ce nouvel an à Tripoli — à Tripoli, Madame —, vous voilà agressée jusque dans votre province natale : pire, vous êtes assiégée. Qu’il voie un signe de libération dans cette manifestation qui a eu pour cadre le palais où s’était retranché l’ancien dictateur libyen, vous voilà prête à partir en guerre, à vous dresser contre lui et ses « semblables » qui veulent «cliver, diviser, disséminer le racisme et la haine». Rien que ça
Que recouvre donc ce «vous» que vous fustigez dans votre lettre ? Métref et ses divisions de lecteurs ? Les Kabyles de la «sacro-sainte Kabylie» et, au-delà, tous ceux qui, de la Libye au Maroc, fêtent un peu trop bruyamment à votre goût Yennayer ? Ou bien encore, plus largement et, plus vraisemblablement aussi, tous les habitants de ce sous-continent qui veulent vivre pleinement leur amazighité dans la cité ? Car pour vous la seule affirmation du fait amazigh vaut agression. A l’inverse, sa négation, son «oubli » n’a rien de choquant, il relève du quotidien qui sied à une identité dhimmie. 
Au fond, c’est contre ces derniers que vous voulez lever une armée d’Arabo-berbères, nombreuse et résolue à en découdre, affirmez-vous. Car vous vous dites, Madame, Arabo-berbère (judéo-zénète, …) et vous vous revendiquez d’une identité double que vous opposez à celle, « étriquée », de ceux que vous combattez. 
Pourtant, cette berbérité, même diluée dans la diversité, vous ne la revendiquez pas toujours, vous l’oubliez souvent si je m’en tiens à ce que j’ai pu lire de vous sur la toile. Sur tel site islamiste vous vous affirmez «arabe et musulmane» et quand vous tenez à enrichir votre personnalité en y ajoutant un attribut, il est d’ordre politique : «de gauche», précisez-vous. D’amazigh ou de berbère, nulle trace. Pourquoi donc l’invoquez-vous cette fois-ci ? Pourquoi est-ce que, à l’instar de bien d’autres personnalités algériennes, la seule fois où vous mettez en avant votre berbérité, c’est afin de légitimer vos attaques contre les militants qui se battent pour la survie de la langue et la culture amazighes que vous voudriez voir chassées de l’espace politique et idéologique ? 
Vous écrivez que Métref s’est «fendu d’un brûlot de propagande éhontée» en présentant comme exceptionnelle cette célébration de Yennayer à Tripoli. Alors qu’il parlait de la Libye, vous transposez son propos à l’Algérie pour affirmer que l’identité berbère y est vécue avec sérénité et vous lui prêtez la volonté d’idéologiser et de colorer politiquement ce qui n’a pas lieu d’être.
Sur la Libye, je pourrais témoigner, pour les avoir rencontrés alors, du calvaire vécu à l’époque de Kadhafi par les Amazighs libyens. Cependant, je n’irai pas dans cette direction et vous suivrai pour parler de l’Algérie, pays où vivre son identité amazighe serait un long fleuve tranquille à vous en croire.
Sans remonter à l’antiquité et pour citer un événement notoire, rappelez-vous que ce qu’on appelle le «Printemps berbère» a eu pour point de départ l’interdiction par les autorités d’une conférence. Eh bien oui ! Il a été interdit en Algérie de faire une conférence sur … la « poésie kabyle ancienne » en 1980. Peut-être l’avez-vous oublié, mais il y eut alors plus de deux mille arrestations, des tortures et le renvoi de citoyens, parmi lesquels des mineurs, devant la Cour de Sûreté de l’Etat. Faut-il rappeler les tombereaux d’injures déversés à cette occasion par la presse gouvernementale sur Mouloud Mammeri qui devait tenir cette conférence ? Faut-il ajouter que les mêmes injures émanant des mêmes sources n’ont pas épargné Kateb Yacine lorsqu’il a « osé » se définir comme amazigh en précisant qu’il « n’était ni arabe ni musulman ». C’était en 1985.
Souvenez-vous aussi qu’en 1994, durant un an, les enfants de toute la Kabylie ont boycotté l’école pour qu’ils aient seulement le droit d’apprendre à lire et écrire leur langue, qui est aussi celle de leurs ancêtres depuis toujours et également celle des vôtres ? Mais que cela n’a pas suffi à faire simplement admettre le caractère national de la langue amazighe au pays de Jugurtha, statut réservé à la seule langue venue des provinces d’Arabie.
Qu’il a fallu pour que tamazight acquière formellement le statut de langue nationale le sang de plus de cent jeunes tués à balles réelles par les forces de l’ordre auxquels il convient d’ajouter je ne sais combien d’autres jeunes mutilés, handicapés à vie ? C’était en 2001. Et lorsque tardivement le Chef de l’Etat daigna s’exprimer sur cette tragédie dans un discours où l’on attendait au minimum des excuses qui ne sont pas venues et des condoléances qui n’ont pas été présentées, il prononça son allocution dans une langue étrangère à toutes les mères de ces victimes. Aucune, je dis bien aucune, mère algérienne dont on avait assassiné le fils n’a pu comprendre un traître mot du discours présidentiel parfaitement audible et compréhensible aux habitants du Hidjaz dont je ne suis pas sûr qu’ils partageaient le deuil des familles kabyles.
Savez-vous, Madame, qu’en dépit de ce tribut payé, à ce jour, des chefs d’établissements publics refusent encore d’organiser les cours de tamazight prévus par la loi sans que ce blocage les expose à la moindre sanction.
Pour voir combien les sacrifices consentis pour la cause nationale par les amzighophones n’ont pas été payés de retour, il suffit de rappeler l’hystérique «Nous sommes Arabes ! Nous sommes Arabes ! Nous sommes Arabes !» de Ben Bella en 1962 à Tunis ou bien le «Jamais tamazight ne deviendra langue officielle» de son actuel successeur.
Et pourquoi d’ailleurs la langue tamazight ne serait-elle jamais langue officielle en Algérie ? Parce que cette terre est sienne depuis des temps immémoriaux, qu’elle y est née, parce qu’elle ne vient d’aucune contrée étrangère, du continent asiatique, par exemple, d’Arabie pour être plus précis ?
Faut-il rappeler que Messali, aujourd’hui réhabilité, fit démarrer l’histoire d’Algérie au 7ème siècle pour censurer l’antiquité amazighe ? Que les Oulémas, frileux sur la question de l’indépendance, écrivaient dans Al Baçaïr que les «Kabyles ne deviendront pleinement Algériens que le jour où ils cesseront de parler cette langue qui nous écorche les oreilles» ? Contre l’amazighité, la liste des crimes, des assassinats, des répressions, des tortures et des mensonges est longue. Quant à vous, Madame, votre intransigeante vigilance vous conduit à déceler l’intolérance dans le mouvement amazigh, à y voir un danger puisque, selon vous, il diffuserait «la haine».
Même si vous voulez l’oublier, Madame, l’actualité se charge de vous le rappeler : nous vivons encore aujourd’hui un terrorisme endémique dont le bilan en vies humaines s’élève à des centaines de milliers de morts. Puis-je vous faire observer que cet état de guerre larvée, cette violence meurtrière qui n’a rien de fictif ne doit rien à l’amazighité mais tout à l’arabo-islamisme ?
Je n’ose imaginer votre réaction si les assassins s’étaient revendiqués d’une plate-forme qui, de près ou de loin, directement ou indirectement, explicitement ou implicitement, avait un quelconque rapport avec l’amazighité. Je parierais cependant que si vous étiez invitée à vous prononcer sur ces violences meurtrières, vous ne vous risqueriez pas à jeter le bébé avec l’eau du bain comme vous le faites pour l’amazighité. Vous reprendriez bien sagement la même antienne partout serinée pour expliquer que ces comportements sont étrangers au véritable islam. Pourtant les assassins, eux, se réfèrent au vrai Coran et jamais la moindre erreur n’a été signalée dans les versets qu’ils citent dans un arabe pur Hidjaz, tété à l’école algérienne.
Pourquoi donc ce déséquilibre ? Qu’est ce qui distingue ces deux traitements : celui complaisant avec l’arabo-islamisme d’un côté et, de l’autre, celui sectaire et hostile à l’égard de l’amazighité ? La réponse est simple : la frontière qui les sépare est celle qui passe entre le monde des oppresseurs et le monde des opprimés.
Vous refusez, Madame, de voir une réalité élémentaire. Ce qui est en cause, c’est d’un côté la survie de la langue amazighe que l’Unesco a recensée parmi les langues menacées d’extinction, c’est son éradication d’Afrique du Nord, autrefois appelée Berbérie, au profit de l’arabe. Et, de l’autre côté, l’expansion, l’hégémonie totale de l’arabe sur les territoires conquis au détriment de langues indigènes ou autochtones, c’est selon. Quelle menace pèse aujourd’hui sur l’arabe, sixième langue parlée dans le monde (toutes variantes confondues) ? Ce n’est pas sa survie qui est en jeu au pays des Amazighs mais bien celle de langue amazighe.
Aussi, vos appels «au secours», vos cris d’indignation me rappellent ce passage d’une lettre adressée à Albert Camus où Mouloud Feraoun illustra son propos par une légende qui mettait en scène deux protagonistes opposés dans un combat sans merci. Le paradoxe dans l’histoire était que l’appel au secours venait de l’agresseur qui avait terrassé son adversaire et le tenait à la gorge. Le vainqueur criait sa peur de voir son ennemi … finir par se relever ! Pardonnez-moi si je vous offense avec ce parallèle, mais il me semble bien que votre aliénation identitaire est telle qu’elle vous fait adopter une attitude similaire à celle du personnage de la légende. Vous rejoignez par votre comportement ce magnat, milliardaire saoudien, actionnaire à Microsoft qui n’utilise pas sa fortune pour développer la langue arabe, ce qui serait légitime, mais use de son poids financier pour interdire l’accès de la langue amazighe à Windows 8.
Pour conclure, je voudrais vous livrer deux points de vue, et d’abord cette réflexion sur l’identité algérienne que je vous invite à lire avec un esprit aussi ouvert et apaisé que celui de l’auteur :
«Une bonne partie de nos problèmes sera résolue si une réponse avec des mots simples est donnée à la question : qui sommes-nous ? Qui sont les Algériens d'aujourd'hui ? Déclarer tamazight langue nationale est un pas important dans notre quête identitaire. Mais ce pas restera insuffisant. Les Algériens, tous les Algériens, arabophones et amazighophones, doivent savoir qu'ils ont les mêmes ancêtres et que c'est l'Histoire de leur pays qui les a linguistiquement séparés. C'est un impératif vital : il nous faut reconnaître que dans le triptyque amazighité, islam et arabité qui fait l'Algérien aujourd'hui, le socle est notre amazighité. L'islam et l'arabité sont venus plus tard. Il n'y a aucun blasphème à le reconnaître. Notre Histoire ne commence pas avec l'islamisation du Maghreb. Notre histoire est bien plus ancienne et il n'y a pas lieu d'en avoir honte, bien au contraire. L'Algérie est un des berceaux de l'humanité. […] Ces ancêtres-là étaient des Amazighs et déclarer qu'ils se sont transformés en Arabes est tout aussi grossier et mensonger que l'était le fameux ''nos ancêtres, les Gaulois.''» 
La seconde citation que je vous soumets nous ramène à Yennayer et à sa place en Algérie :
«Le jour de Yennayer, l’Algérie, pour la première fois dans les trois-cent soixante-cinq jours de l’année, se trouve devant son vrai miroir, face à elle-même. »
L’auteur de cette phrase poursuit par cette remarque :
"Étrange paradoxe, le jour de Yennayer, cette fête de tous les Algériens, est gommé et Achoura fête étrangère est célébrée en officielle. 
Je ne sais si après la lecture de ces lignes vous voudrez recruter les deux Algériens qui les ont écrites dans l’armée d’Arabo-Berbères que vous voulez lever en masse ou si vous les rangerez dans ceux auxquels vous comptez livrer la guerre. Ce sera pour vous un vrai dilemme. Car ils ne sont pas issus de la «sacro-sainte Kabylie», mais oranais comme vous. Il s’appelle, pour le premier, Dahri Hamdaoui, professeur de lettres et natif de Saïda, qui affirme dans le même texte cité en premier : «Je ne parle ni chaoui, ni kabyle, ni mzabi, ni semghoumi, ni targui, hélas ! Je parle algérien et je revendique mon amazighité, socle de mon algérianité. Et j'en suis fier.» Quant au second, celui qui a évoqué Yennayer, il s’agit de l’écrivain Amin Zaoui.
En dépit de mon ton souvent rugueux, je vous prie de croire, Madame, à mes sentiments pacifiques et vous invite à ne voir dans ma réponse qu’un appel fraternel à vous réconcilier avec votre identité. N’ayez pas peur de cette amazighité qui est en vous.
Hend Sadi
Professeur de mathématiques


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